jeudi 27 octobre 2011

Le marketing des films d'horreur

À quelques jours de l’Halloween, je discute du marketing des films d’horreur avec Benoît Dutrizac du 98,5FM et Gilles Parent du FM93 à Québec.

Si le genre n’est pas pris au sérieux par la plupart des observateurs, il n’en demeure pas moins important. Selon Box Office, les films d’horreur représentent de 5 à 7 % des ventes de billets annuellement, i.e. 50 à 100 millions de billets vendus aux guichets.

Parmi les plus grands succès de foule, le film Jaws (Les dents de la mer, en français, premier film à gros budget qui utilisait des éléments de films de série B) à généré plus de 1 milliard $ en recette (ajusté à l’inflation) suivi d’Exorcist en 1973 avec 900 millions $ (ajusté à l’inflation). En comparaison, Psycho d’Alfred Hitchcock avait recueilli 300 millions de dollars en vente de billets dans les années soixante.

Selon la recherche, les publics cibles des films d’horreur sont les ados et les jeunes adultes. D’abord parce que les parents ne sont pas très friands de ce genre de divertissement – ce qui stimule bien sûr les adolescents. Ensuite, parce que les jeunes s’entendent pour dire que « plus j’ai peur, meilleur est le film ».

À cet égard, Freud prétendait que les contenus d’horreur plaisent car ils permettent de vivrent l’action par procuration. Par ailleurs, selon Stephen King, le film d’horreur repose sur une entente tacite : on accepte d’avoir peur en échange d’un sauve-conduit, le divertissement étant sans risque réel.

Quoi qu’il en soit, force est de constater que l’action du film d’horreur répond à une structure éternelle : faible éclairage (souvent tournée la nuit), caméra à l’épaule très nerveuse, protagonistes isolés (ou seuls), une gentille fille qui s’en sortira.

En outre, le son et la musique, dans les années 30, jouent un rôle clé dans l’appréciation des contenus. Pour citer Hitchcock, ce qui n’est pas montré, « ce qu’on ne voit pas et qui est suggéré » est tout aussi important sinon plus que ce qui est montré. Cela explique l’explosion du genre dans les années trente, décennie qui voit aussi l’arrivée du son dans le cinéma.

À travers les époques, le film d’horreur s’ajuste aux réalités du moment. Le film Le manoir du diable est considéré généralement comme le premier film d’horreur.

Dans les années 30, les films Dracula et Frankenstein des studios Universal sont de grands succès. Ils font suite à la publication des livres Dracula et Frankenstein en 1918. En 1933, le film King Kong déplace les foules et donne suite à plusieurs remake, dont celui de Peter Jackson en 2005.

Dans les années quarante, le loup-garou remplace un Dracula épuisé par les déclinaisons sans fin du personnage. Puis dans les années cinquante, les effets spéciaux ont la cote : insectes géants, monstre, Godzilla, le genre semble reprendre vie.

Dans les années soixante, le ciné-parc, parent pauvres d'Hollywood, devient le vecteur par excellence du film d’horreur. Maisons hantées et martiens tiennent les rôles principaux. Dans les années soixante dix, plusieurs classiques du film d’horreur voient le jour, pensons à Vendredi 13, Shinning, Halloween, Exorcist et Carrie.

Au début des années 90, le « serial killer » ou « psycho killer » devient le porte-étendard de l’horreur avec le film Le silence des agneaux avec Anthony Hopkins dans le rôle du méchant. C’est l’époque où « l’ennemi est parmi nous ».

Graduellement, le médium de base de la promotion du produit d'épouvante passe de l’affiche (poster) à la télévision, l’Internet (avec le Blair Witch Project) et plus récemment les médias sociaux et le marketing viral, Paranormal Activity 3, étant l'exemple par excellence de cette nouvelle stratégie.

Le film Le projet Blair est un autre bon exemple de ce glissement vers l'internet. À l'origine, il a coûté 20 000 $ en frais de tournage et moins d’un million $ en publicité. Pourtant, il a été l’un des plus gros succès du box office en 1999, générant des ventes au guichet de l’ordre de 218 millions $ (ajusté à l’inflation).

La stratégie de marketing de lancement reposait sur plusieurs éléments innovateurs. Pour un, le producteur du film a engagé des leaders d’opinions sur les principaux campus américains.

Artisan Entertainment a aussi créé un site Internet hautement interactif contenant des photos, la scène du crime, des documents historiques, des interviews et des artefacts au coût de 15 000 $. Plus de 75 millions d’internautes ont visité le site qui laissait sous-entendre que l’histoire racontée par le film était vraie.

La publicité et le site officiel ont été tellement efficaces que des internautes ont créé leur propre site du film (plus de mille!). À partir de ce moment, le film est devenu l’exemple à suivre dans l’industrie du cinéma. Pour la première fois, on a vu et démontré comment le Net pouvait être utilisé pour lancer un film d’horreur.